Merry Christmas 2019

Quelque chose ne va pas. Juliette vient de terminer le sapin, mais il ne dégage aucune magie secrète. Aucun panache. Elle a pourtant pris soin d’éloigner les enfants, agents de chaos et de mauvais goût, pour prendre en main le destin de l’épineux problème. Elle conserve, dans un coin de sa tête, les souvenirs brefs mais tendres des compositions de sa propre maman, riches de détails époustouflants, orgie féerique ruisselante d’amour et de chocolat, où chaque élément trouvait sa place comme un petit père noël sur une bûche glacée. Combien de fois s’est-elle sentie comme un bébé louve dans une tanière de lucioles, à l’abri des dangers de ce monde, juste emmitouflée au sein des tiédeurs ineffables d’un milieu sans horreur ?
Décidément, à ce sapin rien ne va. Et si le sapin est défaillant à sa tâche alors il décolore sur l’ensemble, affectant comme un virus lépreux les agencements luisants du salon. Le sapin est la colonne vertébrale de Noël.
Peut-être faut-il lui ajouter quelques froufrous en plus ? Elle s’en va quérir l’avis de Loïc, son mari, afféré à la cuisine comme un beau diable.
-Je vais te dire ce que j’en pense… je crois, effectivement, qu’il n’y a pas assez de boyaux et de globe oculaires sur ce sapin… à mon avis, ce n’est qu’une suggestion, il faudrait mettre un boyau qui va d’ici (il désigne une branche du sapin) jusque là. Ça peut sembler l’alourdir, mais actuellement il fait trop rachitique, il manque d’abondance, de foisonnement…
Elle réfléchit à ce que dit Loïc. Il n’a pas tort.
-Les magasins vont bientôt fermer… il me semble compliqué d’aller maintenant chercher de nouveaux boyaux de Noël pour parer le sapin…
-Et ceux de l’année dernière, au congélateur ?
Elle soupire parce qu’elle déteste le gâchis, et le fait de devoir en racheter.
-Ceux de l’année dernière nous les avons mal emballés pour la conservation, une fois décongelés ils étaient en lambeaux…j’ai tout jeté…
-Dans ce cas…hmmm…
Loïc réfléchit. Elle attend. Évidemment c’est extrêmement compliqué de trouver de nouveaux boyaux de Noël bien frais pour enguirlander au sapin, surtout le jour J, en fin d’après-midi… C’est toujours comme ça, ils ont un gros défaut d’organisation. Ça la fout en rogne. Pourquoi tout ne peut-il pas être parfait, comme lorsqu’ils passaient Noël chez sa mère, pourquoi ? Est-ce trop demander ? Que tous les événements concourent au fonctionnement harmonieux d’une seule journée par an ? bordel ? Elle qui espère tellement voir dans les yeux des enfants pétiller tout un cosmos en liesse, des étoiles qui joueraient avec des lunes et des météores qui s’amuseraient dans des flaques de trous noirs.
Elle regarde Loïc et il comprend rapidement qu’il doit prendre l’initiative.

-Très bien très bien ! Je vais aller chercher des boyaux frais pour les accrocher au sapin… Je pensais aux voisins du bout de la rue, les Colbert, ils ont le ventre bien pendu, à mon avis un bon dix mètres d’intestins chacun, du coup le mieux c’est de tout prendre au cas où…
Il va à la cuisine et revient avec un long couteau qu’il dépose sur l’étagère du hall d’entrée. Puis il enfile un gros manteau, et une écharpe en laine. Juliette noue son écharpe et l’embrasse tendrement. Elle peut toujours compter sur lui. Son sauveur… Avec les intestins des Colbert elle pourra remettre d’aplomb la décoration de son  sapin!
Avant qu’il ne franchisse le portail, elle court jusqu’à lui.
-Tu vas avoir froid ! Rentre vite ! Lui dit-il.
-Attends, dit-elle tremblante, prend aussi leurs yeux et leurs dents, pour suspendre aux branches du sapin… Mr. Colbert a de jolies dents blanches, et madame Colbert de jolies mains, on pourrait en accrocher une tout en haut, avec les doigts bien écartés, pour faire une étoile ! En plus j’ai du vernis paillette.
-Pas de soucis ma chérie mais rentre, tu vas attraper la crève !

Grillage d’amour.

Quand on a une amoureuse on veut lui faire des bisous sur la bouche, la serrer très fort contre soi et aller manger dans des restaurants agréables des entrecôtes saignantes ou des volailles aux poivrons jaunes, on veut aussi manger des glaces en Italie, boire du vin du Poitou et s’acheter des pops corns, voyager au quatre coins du monde, se baigner dans la mer, baiser comme des phoques, lécher des zones érogènes, se faire un nid douillet, danser pieds nus dans la brume, respirer le parfum des fleurs, porter des trucs sexy, mais qui voudrait se faire éplucher la peau par des extraterrestres puis se voir greffer la tête à un tronc unique et vivre avec la personne qu’on aime sur le même organisme comme une sorte d’hermaphrodite, on s’en doute pas grand monde.

Chronique d’Open-Space #3 CrocoKiller

Recette : 5 cl de CrocoKiller. 8 cl de Canada Dry. Un quartier d’orange fraîche. Une brouée de glaçons. Rafraîchissant. Plein de peps. Légèrement pétillant. Doux âcre. Le quartier d’orange se noie dans l’ambre sirupeuse, effleurant les fantômes translucides. Le doseur à cocktails, aux irisations cuivrés, repose à côté d’une planche en bois jonchée de pulpes dégorgées. Une troupe de fêtards en copeaux de conscience attendent leur cocktail à l’œil, en riant comme des phoques perdus, les doigts en tubes de colle, mix de sueur et d’alcool s’agglutinant à leur gobelet mâchonné. L’un d’eux s’approche du barman, alors en pleine effervescence, par curiosité.

-Hé mec ! mec ! Tu ressembles à quoi sous ton masque vas-y tu peux faire voir ???

Le barman regarde droit dans les yeux rouges du type et lui répond que ça ne s’enlève pas, qu’il doit attendre la fin du taf (vers 4h) et que là ça partira tout seul comme un peu de l’eczéma.

 

C’est le #CrocoNightFever ! dit l’animateur en management d’animation commerciale. Et vous êtes, chacun d’entre vous mes beaux gosses (il pianote abstraitement avec son index chacun des visages devant lui, comme un calamar enthousiaste), un de nos #CrocoGroom VIP du tonnerre ! (il rit comme une tomate fendue) Vous êtes là pour distiller nos cocktails au cœur des petites gorges fluettes de tous nos happy lapins fêtards techno-transfilous. Ce soir sur chaque event on pose une table, on pose 6 bouteilles de CrocoKiller, on pose deux buildings de gobelets, on pose un sac d’oranges fraîches, on pose 12 bouteilles de dry, et en avant la becquetée ! Bien entendu on ne va pas vous laisser sur place 6h avec une gueule pressée par la sueur, palpitante comme une sardine, franchement ça ne donnera envie à personne, les teuffeurs ne veulent pas d’un cocktail #CrocoNightSueur ahahahah ! Du coup Ana va vous greffouiller un masque organique bio-modélisé en 3D qui se décompose tout seul au bout de 7h ! comme une feuille morte tu vois, ou une étoile des neiges. Nous allons faire de vous de magnifiques crocodiles, fiers et sobres, honorés de servir une liqueur familiale à la recette planquée au frais depuis 56 générations !

 

-7h vous êtes certaine ? demande-t-il à Ana qui prépare l’injection sous-cutanée. Une série de sept aiguilles à planter à diverses zones du visage pour engendrer la réaction organique mutagène.

-Mais oui ne vous inquiétez pas nous faisons ça trois fois par an depuis six ans maintenant… Bien sûr parfois c’est 9h… le temps que ça se décompose intégralement… mais la tenue dure 7h. 😊

Elle pose le boitier à seringues sur la petite table en acier. Puis elle asperge l’ensemble avec un antiseptique. Tout est propre, beau, nickel. Les murs sont blanc-neige.  Ana est blanche-neige. Sa gorge est comme un produit laitier.

-Et pour les effets ? Qu’est-ce qu’on ressent ?

Il panique un peu. C’est la première fois qu’il s’embarque dans cette histoire. Il a besoin de tunes et les cocktails ne sont pas très compliqués à faire. Le salaire est confortable, l’équivalent d’une semaine dans un job miteux avec des cuisines qui sentent le rat décongelé.

Mais il n’a jamais touché à ces trucs-là, les injections de schèmes organiques. A quoi bon ? On a le corps qu’on chope à la naissance, comme une maladie.

-ça peut vous gratter un peu… et les phases croissance / décomposition vous donnerons l’impression de… comment dire… vous noyer dans votre propre corps. C’est difficile à décrire, comme s’étouffer de l’intérieur.

(ah cool ça a l’air chouette pense-t-il)

-En tant qu’aide médicalisée je rappelle que vous pouvez à tout moment refuser. Vos frais de déplacements et l’heure de formation vous seront quand même payés…

Ouais mais il lui faut ce pognon.

-Allez-y.

Elle nettoie ses mains avec une mousse rosâtre, enfile ses gants élastiques. Puis injecte le contenu des seringues aux sept points cardinaux de son visage. Il ne ressent qu’une faible morsure de moustique à chaque pénétration. Pas de quoi fouetter un chat. Ou verser des larmes de crocodile lol.

 

5 cl de CrocoKiller. 8 cl de Canada Dry. Un quartier d’orange fraîche. Une brouée de glaçons. La techno progressive coagule les gens à leurs cheveux. Les corps se démobilisent, se fluidifient en volumes mouvants. On dirait des algues de loin. Une masse d’algues noires en eaux limoneuses. Des tas de gens camés ou en état de luire lui demande des cocktails qu’ils avalent à la vitesse d’un vaisseau spatial.

-Trop bien ta tête de croco je peux la toucher 😊 ?

Demande une meuf fascinée et il veut bien se laisser toucher par la meuf fascinée alors elle caresse la peau soyeuse de sa tête en crocodile avec une curiosité sexy. Il lui met une double dose dans son cocktail et elle repart plus heureuse qu’un dragon qui danse.

En vrai il est plutôt bien là. Dans sa nouvelle peau. La mutation était délicate, difficile à expliquer, comme si on tiraillait sa peau avec des pinces vibrantes et qu’ensuite on la retroussait dans sa bouche, dans sa gorge, dans son nez, sous ses yeux. La pièce médicale disposait d’un seau à vomi, et il avait rendu ses tripes malheureuses à n’en plus finir. Le seau dégageait une forte odeur de javel, à laquelle se mélangeait l’acidité de son estomac. Ses cheveux s’étaient éparpillés au sol, comme chez le coiffeur, par touffes indistinctes, vous resterez chauve après la mutation… c’est un des seuls effets secondaires…  les cheveux repoussent vite ! 😊 lui avait dit Ana.

Les cheveux repoussent vite… Il se dit qu’au moins le logo de CrocoKiller, ce n’est pas un putain de dauphin… il a esquivé le pire… il s’imagine avec une tête débile de dauphin… loin du raffinement noir d’un croco sapé en costard de 007 qui avale un bourbon CrocoKiller…

 

(C’est bizarre d’avoir un museau aussi proéminent. Il a l’impression de s’exprimer à deux centimètres des clients. Il respire leur odeur de transpiration, d’alcool et d’œil qui pue. Certains reviennent de dehors où il pleut comme vache qui pisse et d’épaisses mèches de cheveux bavent sur leur front. Chose étrange aussi, il snif leur chair. C’est sans doute un effet secondaire de prédation. Comme quand tu renifles l’odeur métallique d’un steak cuit bleu, la chair rouge en cuisson).

 

Celle fascinée resurgit de la vase noire électrisée, on dirait des fantômes poisseux qui disparaissent / apparaissent d’un autre monde sous-marin, fantastique. Elle est à croquer.

-J’aime bien les crocos… tu sais les bonbons… mes préférés sont les rouges… je dévore toujours la queue en premier…

Elle se lèche la lèvre. C’est une zo, il y a une grosse communauté de transmus qui baisent avec des greffons animaux, des gueules virilescentes de gorille alpha ou des ondulantes langues de serpents. Pas son kiff, surtout que ça coûte un bras. Il la regarde en composant son cocktail. Elle flotte sous un chaos de transpi, de rouge à lèvres écarquillé, de vêtements moulants et de pulpes de pupilles plus émeraudes qu’un perroquet d’Amazonie. Il n’a pas la moindre seconde à consacrer à tout ça, voyons, rester dans les clous, plus qu’une heure et le service est fini, y’aura plus qu’à se débarrasser de cette peau de sac à mains pour bourgeoise décatie…

-Elle est comment ta langue ? Je suppose qu’elle doit être énorme.

Il lui tire la langue. Elle se mordille la lèvre. Il lui tend son cocktail. Elle l’avale entièrement devant lui et en recommande un.

 

Ils s’enferment dans le débarras à l’étage, là où les technos lui ont dit de poser ses affaires persos. Il a laissé le stand en roue libre, rien à foutre, il a trop la dalle d’elle. Il déploie sa longue langue épaisse entre ses jambes, et tapisse littéralement son vagin d’amour animal. Quel goût. Quelle odeur. Incroyable comme ses sens se décuplent. L’âcreté envahit tout son corps, court-circuite son estomac. L’épaisseur de la chair. Le tourbillon de squames de spasmes. Il la plaque littéralement contre le mur à chaque martèlement de sa grosse langue.

Il se relève. Elle embrasse avec feu son long museau, elle lèche ses écailles, et l’électricité s’enracine jusqu’à son sexe, comme une pluie qui tombe, drue. Il la pénètre et elle glisse sa main dans sa gueule, caresse ses dents pointues. Elle s’écorche volontairement et son sang ruissèle jusqu’à sa gorge. Il est proche de jouir.

 

C’est maintenant le direct avec Vanessa Ange. Allez-y Vanessa, c’est à vous.

Oui je suis ici à l’ancien gymnase Pierre De Coubertin, où se tenait ce soir une fête qui a littéralement viré au cauchemar pour la jeune Sandra Lopez. Cette jeune fille de 19 ans vient d’être retrouvée morte assassinée dans les locaux techniques. Elle a été retrouvée le bras arraché et le visage déchiqueté. Le meurtrier est identifié, un homme de type caucasien, la trentaine, Arthur Grange, il portait une greffe organique de crocodile, dissipée à l’heure actuelle, et reste activement recherché par la police.

 

Epilogue.

« Moi je dis qu’il s’est planqué dans les égouts. Il bouffe des rats humides et avale de l’eau noire pour survivre. Il faudrait faire une énorme battue dans les égouts et le tuer » (post de FiascoDeGama)

« ça y est le ministre vient d’interdire la greffe organique de grands prédateurs, ça casse les couilles okay c’est grave ce qui est arrivé mais on paye tous pour les crimes d’un seul… perso depuis six ans je me fais des trips avec une greffe de requin tigre et j’ai jamais bouffé le moindre petits doigts… » (post de LudwigVanRien)

« j’espère qu’on retrouvera ce salopard,  les greffes d’animaux devraient être strictement interdites, nous sommes à l’image de Dieu et Dieu n’est certainement pas une chimère avec un tête de Koala ou des nez de cochons. » (post de LaPetiteFeeDuDestin)

« j’ai acheté un fusil de chasse hier et avec des potes on va fouiller les bois demain à l’aube pour retrouver cette sale bête et lui exploser la tête tout simplement il ne mérite que ça. Sac à mains pour ma femme bientôt » (post de Templier515953)

« Bah suffit d’appeler crocodile dundee lol » (post de Vanhonfleur)

« L’entreprise CrocoKiller est sérieusement affectée par les tragiques événements qui se sont déroulés lors de la précédente manifestation du #CrocoNightFever. Nous tenons à exprimer nos plus profondes condoléances auprès de la famille de la victime. Toutes les précautions avaient été prises pour éviter ce genre de drame, mais il s’avère que l’employé a, de sa propre initiative quitté, son poste de travail pour se donner du plaisir sexuel alors même qu’il était, durant les sept heures contractuellement signées, une effigie de notre marque d’alcool réputée dans le monde entier pour ses cocktails colorés à la recette transmise dans le plus grand secret depuis 46 générations. » (post du community manager de CrocoKiller)

« CrocoKiller, le champagne des véritables serial-Killer. #CrocoNightCreveForever » (post de GrosCracra)

 

L’entreprise changea son logo par celui d’un dauphin en costume nœud papillon.

news de crevettes

Bray-Dune. Un homme mort retrouvé décédé à son domicile. Après autopsie, les autorités annoncent que son trépas est lié à la présence d’une crevette obsidienne nichant au creux de son lobe occipital. La minuscule crevette noire pénètre par les mouquilles des narines puis se développent inopinément dans le cerveau en pompant la matière grise à l’aide de ses antennes macroscopiques humectées. L’hôte, manipulé de fond en comble, ne découvre que trop tard la supercherie grandiloquente.
Ses proches témoignent sans concession :
“Il avait une tête plus flasque qu’une asperge imbibée d’eau, sa sueur puait la mayonnaise rance, et ses yeux s’éjectaient comme deux petites crottes cristallines de lapin seules.”
“Jean-Yves ? Oui, nous l’aimions bien Jean-Yves dans le coin! toujours là pour filer un coup de main, il avait la joie de vivre, la joie d’aimer, de partager, de rendre meilleur et plus juste le monde, par de petits gestes quotidiens tendres et délicats, petites gouttes d’eau de bonté dans l’océan de la solidarité, mais fallait qu’une crevette lui grignote de A à Z le cerveau, en petits morceaux comme des cacahuètes, ou des apéricubes, mais des apéricubes à la Jean-Yves”

Calais. Un homme costumé en crevette terroriste la ville. Selon certains témoignages il est possible que ce soit plutôt un déguisement d’écrevisse amazonienne mais pas sûr.
Toutefois à l’aide de ses deux pinces coupantes comme des rasoirs électriques il décapsule les têtes des hommes politiques locaux réélus au suffrage universel, ainsi la maire xénophobe de Calais s’est faite décapsuler la tête un matin de juillet alors que l’aube était blanche comme un asticot. C’est triste. Son adjoint raciste s’est fait décapsuler la tête de même et c’est triste aussi, en tout cas presque aussi triste. Ça fait de la peine dans le cœur des mamans et du déluge humide dans les yeux des concitoyens soucieux du suffrage universel et attachés au fait que leur vote ne finisse pas décapité outre mesure. Son conseiller municipal homophobe s’est fait décapsuler la tête. C’est triste encore, au moins pas moins triste. Son agent de liaison territoriale romophobe s’est fait décapsuler la tête. C’est triste enfin, au moins tout autant triste.
Le maire adjoint grossophobe commente :
“C’est consternant et j’ai des yeux comme des pédiluves catastrophés. J’aimais, les soirs d’été où le vent ronronne entre les arbres, les nuits où la lune déploie ses arcs-en-ciels d’argent au sein des frondaisons mauves des nuages cotonneux, j’aimais ces soirs tièdes d’été discuter avec la maire sur ces saloperies de migrants profiteurs du système qui mènent la belle vie sur le bon dos gras des français de souche blanc de surcroît. Et les blagues homophobes du conseiller municipal ! Elles apportaient la touche de gaieté au cœur des journées parfois mornes et des réunions ennuyeuses avec la police pour planter toujours plus de barbelés et de matraques à nos frontières. Saloperie de gauchiasse assassin déguisé en crabe rouge communiste à la con de fils de pute! Tous ces souvenirs se perdront dans l’oubli, comme mes larmes dans la pluie. “

Interview ministre #3

-Ouaaa monsieur le ministre des intérieurs, quelle odeur sexy s’échappe des gaz lacrymo…

-Nous les avons aromatisés à la fraise.

-Brillant.

-Merci.

L’attaque des chiens tueurs venus de l’espace #nanar

Billie vit en Meurthe et Moselle avec sa petite amie Cynthia, une spécialiste reconnue du toilettage pour chien.  Tous les deux s’aiment d’amour tendre et sincère, et les jours paisibles défilent où rien n’arrive de particulier, ni de général. Billie aime passer la tondeuse à gazon, alors régulièrement il taille les haies. Cynthia joue innocemment avec les chiens errants, les papillons et les grenouilles. Elle boit la pluie parfois, et contracte les maladies des nuages. Un jour qu’elle shampouine un épagneul breton dans son salon de toilettage, elle découvre rapidement qu’il est couvert du sang de son oncle Ferdinand et qu’un étrange agroglyphe constelle son pelage… 
Amande Cresson (le vaisseau spatiale de l’amour 3) rencontre pour la première fois Fabien Rigolo (les fruits de la transcendance, Polterguine) pour former l’un des duos les plus explosifs du cinéma internationale ! Hémoglobine, caniche, toilettage, extraterrestre…. laissez-vous captiver !

 

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Texte écrit pour “Nanar”, compilation de faux synopsis nanars écrits par mes soins et de dessins de Quentin Sagot (matez son site ici)

Interview ministre #2

-Vous parlez, Mr le ministre, d’un nouveau genre de policier.

-oui voilà de quoi je parle (il sort une photo de sa poche)

-Mais c’est robocop avec un fusil mitrailleur…

-Oui exact…mais on a programmé sa bouche pour qu’il sourit tout le temps !

😊😀😌

-Brillant.

-Merci.

Interview ministre #1

-Parlez nous un peu de ce nouveau dispositif, Mr. Le Ministre.

-Pour le maintien de l’ordre nous disposons déjà de canons à eau très performants mais j’ai eu l’idée d’ajouter dans l’eau des piranhas pour que le manifestant se fasse bouffer la gueule en plus.

-Brillant.

-Merci.

Chronique d’Open-Space #2 mauvaise digestion

Ce matin tout allait bien, les analytics fourmillaient sur les écrans, issus des remous spasmophiles des tracking-bots dont la fleurissante activité dégorgeait des torrents de datas users, sous forme de grosses giclées compressées de chiffres brandis et de courbes molles, tout un geyser d’informations obstruant les boîtes mails de chaque employé apte à téter comme du petit lait les fluides alléchants des statistiques, tandis que leurs pupilles maigrichonnes s’enflaient aux scissures des enduits bleutés des écrans, aux parcelles des tablatures excels et aux stries des plannings multicolores, ce matin tout allait bien, les réunions remplissaient les box vitrines (mind box for spirit infinite, sorte de cages à poules où se concoctaient les décisions immanentes, de l’extérieur l’impression de regarder des humains dans un laboratoire où des enfants géants viendraient s’amuser à leur décoller les organes), tandis que les conf-call abondaient un peu partout en inoculant dans le vide des couloirs de dépressives logorrhées verbales, mélange poisseux de franglais bouffi et de voix skypés aux modulations rauques de l’au-delà, ce matin tout allait bien, on avalait son café tout naturellement dans une salle de pause légale en s’étourdissant d’autocollants au lyrisme cauteleux ici on partage tout, surtout ses bonnes idées ; soyez vous-mêmes, tous les autres sont déjà pris ; Seuls ceux qui sont assez fous pour penser qu’ils peuvent changer le monde, y parviennent, ce matin tout allait bien, les managers manageaient leurs subalternes en jutant des litres de directives spumeuses lors de sinueux marathons d’un secteur inaudible à l’autre de l’open espace, ce matin tout allait bien, les néons jaunes du plafond pissaient sur la gueule des gens indéfiniment, l’électricité ne faiblissait jamais, un jet indélébile et sans chaleur d’urine aéroportée intacte, et certains employés, à l’écart définitif des fenêtres, ne connaissaient du jour qu’un rayon de soleil crevard, pendant la pose clope de 11h, comme un jaune d’œuf vitaminé éclaté sur leur gueule, ce matin tout allait bien, sauf pour Fred.

Fred d’habitude il gare sa caisse suppositoire pour autobus au fond du parking, sauf que ce matin, zéro place libre, ça le fait rapidement chier de rouler en rond, mais il finit par se planter entre une laguna de sous-fifre et une audi SUV de manager. En décapsulant sa portière, l’air congelé s’engouffre en viscosités glaçantes supersoniques sur sa gueule, ses mains crues, son front tiédasse, ses cheveux lissés, comme la langue gluante d’un fourmilier, agglutinant les odeurs de clopes, de café froid et d’aisselles anxieuse, les aisselles stressées de Fred qui pleuvent non-stop dès qu’il est en mode panique optimum, alors que la pression le submerge et l’incorpore de l’intérieur dans sa propre insignifiance. Aujourd’hui y’a autre chose en plus de la peur sous-vide du taff… une viande neuve d’impression, il a dû choper une saloperie pendant ses vacances à Istanbul, un mal qui contracte les canaux fluides de son bide, comme si un gros opossum mort tout liquoreux se resserrait en ballon de pourritures et pressait les caveaux de sa panse. Il se remémore le burger qu’il s’est enfilé la vieille en mode c’est la fin du world défonçons-nous dans les royaumes de lards grillés, de steaks obèses et de fromage mastoc (Adipe Roi), peut-être que c’était la bouffe de trop, celle d’hier, après les nombreux jours à se repeupler les intestins dans les restos touristiques hypertrophiés de monde, gavage en règle qui sécha même souvent ses envies d’hollidays baise par des ronflements lipides. Les cocktails à la goyave et les gambas désossées aux doigts truelles, les mains qui puent l’ail grillé et le crustacé, les montagnes de cacahuètes, les goinfreries d’ananas, son ventre a pris un jeton mémorable, qu’il ballotte tant bien que mal.

Il vomit juste à côté de la laguna familiale. Merde… même pas su viser le manager… c’est reparti pour un tour… démarrage de l’auto, pas zoner plus longtemps à côté de sa flaque, opter pour un ni vu ni connu, laisser tout mûrir là (après tout l’entassement des déchets fait le monde constant, tas de peaux mortes, de merde, de sang, de sperme, de cadavres, et de salive, qu’on planque tant bien que mal dans des aspirateurs, des douches, des vêtements, des mouchoirs et des cercueils, TOUT le monde est coupable). Fred a trouvé une nouvelle place correcte, et il n’a pas vomi, encore mieux. Reste que son estomac est une cafetière hystérique qui commence à brûler son jus, à faisander ses acides, et à se cramer dans ses particules fines et ses ourlets gastriques. Il se grouille, avec un air d’affairement, un air d’affluence, de foule, de remuement, il a l’air d’avoir des choses à faire et il a l’air d’être en retard pour les faire. Les portes battantes automatiques de l’entrée le ralentissent, elles tournent comme des paupières qui ont un truc dans l’œil, mélangent et distribuent les passants pour s’en débarrasser. Il lance un bonjour matinal obsolescent aux gens de l’accueil qu’il ne connaît pas et qu’il oublie très vite (et inversement). Il a une réunion, il fonce, c’est où ? bonjour collègue c’est où putain ?? box merchandasing product owner c’est le Bâtiment B et là il est dans le C alors il doit traverser le D puis il arrive au B, la box vitrine est là, à l’intérieur de laquelle tous ses collègues gesticulent comme des têtes de crevettes sur un tapis broyeur, pour échanger des bonnes pratiques d’objectifs à atteindre dans les meilleurs délais tout en respectant au mieux l’efficacité des processus établis en vue d’une productivité primordiale. Il va faire son entrée triomphale de retardataire, son intrusion dans le sas spatiale de ses collègues en combinaison de gens sérieux et impliqués, dans TROIS, deux, un… mais … vomit… vomit sur la porte en verre et la dégoulinade s’étend comme un pot de crème semi-épaisse, avec une odeur assez inattendue, qu’il n’a jamais sentie à propos de son ventre, une odeur d’herbe tondue, la même lorsqu’il jette le contenu du bac de ramassage dans la poubelle verte, cette effluve gonflée et tiédasse, piquante et jaune. « inventer, c’est penser à côté » (Albert Einstein), auto-collé sur la porte, il a vomi en plein dessus, conséquemment, une nappe splendide, massive, sur Einstein… mais comment peut-il posséder en lui autant de vomi à rendre ? Ce matin, sans grande faim, il s’est juste enfilé une modique tranche de brioche, et ce qu’il contemple sur le vitrage infecté ne ressemble pas du tout à de la brioche en purée. Sa gerbe se compose d’un liquide âpre orange et de multiples petites boulettes blanches comme des espèces de têtes de cotons-tiges. La vue, l’odeur, les collègues interloqués, choqués, éberlués, par tant de réalités corporelles planquées chaque jour sous une belle peau, de beaux sourires, des chiottes nettes, sans poil de bite, sans tampon usagé, planquées sous des cheveux coiffés, lustrés, sous des vêtements propres, sous des bouches pleines de dentifrices au fluor, et sous la moquette qui avale les traces humaines comme un sol cannibale, tout ce vernis se gerçait d’un jet de gerbe de Fred. Une autre portion de gerbe glorieuse titillait déjà son pharynx. Il allait repeindre tout l’espace si ça continuait. Se précipiter aux chiottes tout de suite ! mode urgence climatique.

On le vit courir de toutes ses petites économies de force professionnelle à travers le Bâtiment B, direction la jonction C, où se trouvaient les chiottes les plus accessibles. Les collègues n’en revenaient pas. Certains, dégoûtés jusqu’à l’extrême, prenaient l’air de ne rien savoir, pas facile en vrai, surtout que la clim ne recyclait pas assez vite l’air mafflu d’odeurs végétales qui formaient des poches insoutenables dans l’air. D’autres ne reniflaient rien, piégés à l’intérieur de la box, trop peureux de se confronter à la mare ignoble de vomi perlant jusqu’à la moquette, juste en sortant. Les derniers s’activaient, recherchant un technicien de surface, le grand nettoyeur, le super héros qui garde ces lieux comme un cul propre de bébé. Personne ne prit l’initiative de s’intéresser à ces petits grains de riz minuscules régurgités par Fred dans la flaque orange, en même temps personne ne détaille le vomi des autres, et c’est le technicien de surface qui fit les frais, équipé de gants rose, d’un vapo de javel et d’un chiffon, le pauvre, lorsqu’il commença à arroser la gerbe de solution citronnée, un des grains se décolla des résidus pour s’enfoncer dans l’évidure de son œil droit. Il ressentit une vive brûlure, d’une intensité croissante, il s’était foutu de la javel bordel ou quoi ? Il arracha ses gants en hurlant, pour se frotter l’œil infecté, mais  son orbite n’était déjà plus qu’une boule de feu terrible, qui gonflait, rouge tumescente, et son arcade sourcilière se boursoufla, bientôt insensible et flasque comme un carré de flan violâtre, tandis que sa joue se transforma en une grosse tomate brune, gavée de liquides tièdes en osmose, il ressentait les battements de son cœur mitrailler ses veines, on fit un cercle autour de lui, on s’enquit de savoir s’il n’y avait pas un spécialiste médicale, on appela les secours, le référent secouriste déboula en trombe pour essayer de faire quelque chose qui montrerait sa prise de responsabilité dans toute cette putain d’histoire, mais très vite le technicien n’eut plus d’œil, plus d’orbite, juste un gros bulbe congestionné de matières qui voulaient se décharger au grand jour, exploser sur tout le monde, et c’est ce qui se produisit, tous les jus concentrées dans l’oignon jaillirent, comme une bombe à fragmentations, crachant des bouts de chair congestionnée, de peau sulfurée, et des liquides brunâtres, le groupe fut littéralement aspergés de fond en comble, et dans ces fluides à l’odeur gazonnée de petites graines blanchâtres se dispersaient aussi, atteignant les prunelles, et les yeux contaminés s’enflaient de nouveau. Hurlement, fuite, puanteur. Des humus fertiles des pupilles de chaque collaborateur malchanceux naquirent de grosses fleurs poisseuses qui éructèrent des jus innommables sur l’ensemble des murs blancs customisés de phrases heureuses, et sur toutes les moquettes pelucheuses, et sur tous les bureaux anorexiques et sur tous les ordinateurs, entre toutes les petites lettres des claviers remplis de peaux mortes.

Carnet d’un épidémiologiste revenu des lieux.

Flore invasive, véritable jungle, origine inconnue. S’enracine et se développe dans les yeux, matière nutritive, en remontant le nerf optique et en pompant le cerveau. Le sujet porteur, retrouvé dans les toilettes, avec le ventre ouvert comme un « catalogue de jardinage » (humour de biologiste).