Tant que le cœur y est le reste est tendre, fondant sur la langue, au poil. Sur internet on peut trouver des poètes merveilleux à 10 balles l’exemplaire, mais aussi des promos sur des pompes rétro des années 80 tendance Stranger Thing disco pognon. On a le choix entre des glandus qui ne branlent rien en design et qui épuisent leurs stocks de memes nostalgiques et des poèmes grattés à la truelle dans une déchetterie mondiale jamais vu auparavant. Pitié, empêchez-moi d’être misanthrope, cynique et sarcastique. Juste foudroyant.
De l’empêchement de devenir un gros con de misanthrope.
C’est trop con comme posture. Tout n’est pas comparable. On compare pas un steak à un billet d’avion. On compare pas le ciel à un boulon. Alors si les gens se payent des baskets sur-marketés en consommant invitro ce n’est pas une raison pour leur cracher des boulettes de nerfs. Toi-même tu as des new balance, tu les as trouées et laissées dehors alors même les limaces en ont fait leur abri de fortune. Et puis tout le monde n’est pas obligé de lire de la poésie. Okay. Et puis tu généralises. Okay. Prends tes cachets de jours meilleurs et va te coucher intérieurement. Le petit soleil sous les plis de ton pouls, laisse-le s’éteindre dans un bain de sang visqueux d’horizon. Y’a aussi : la poésie est partout. Ouais genre dans une flaque d’eau humide, une touche de clavier usée qui pue les peaux mortes ou encore un sushi propre sur lui qui n’a rien demandé à personne. Et puis la poésie, franchement, pourquoi elle aurait plus de valeur qu’une paire de pompes universelle ? Et puis, enfin, tout de même, la poésie c’est un concept vague, la poésie est dynamisme, rupture, éparpillement, déchirure, expérimentation, y’a plus d’école blablabla blablablou.
On touche du doigt le nexus des morceaux d’os : comparons ce qui est comparable, tout le monde n’est pas obligé de lire de la poésie, ne pas généraliser, la poésie est partout, la poésie est une valeur comme une autre, la poésie c’est une idée vague en cette période d’orgie post-contemporaine. Alors ne deviens pas un vieil aigri avec des idées de poitrine anxieuse.
Tout cette pensée relativiste j’en fais une boulette, je mâche la boulette et avec un tube de bic je crache la mie mouillée sur un plafond contristé. Toute cette humilité fait plaisir à voir. Les écrivains ont gagné historiquement leur autonomie. Le champ poétique est autonome, il est ce que ses acteurs en font. Mais gagner son autonomie historique, ça ne va pas dire se planquer dans un mouchoir. Vaste blague. Oui la poésie vaut plus qu’une paire de baskets parce qu’on le décide, et tout le monde doit lire de la poésie c’est comme ça. Je suis pour une dictature de la poésie. Je suis pour que la poésie coûte 1000 euros de plus qu’une paire de godasses. La poésie n’est pas partout, elle est dans des putains de bouquins écrits avec des putains de mots, et, non, c’est pas une idée vague, on sait tous très bien quand on écrit de la poésie. On le sent c’est pas difficile, comme un petit animal sympa dans la vie des organes amoureux.
Oui tout le monde doit lire de la poésie. Mais si tout le monde lit réellement de la poésie alors on sera dans la merde, c’est certain. Le principe vaut dans son inapplication. Vive les principes dont on ne peut pas foutre grand chose, d’un point de vue de la concrétisation ultime, vive les principes qu’on conserve à l’arrière du front comme une troupe fidèle mais qu’on ne va surtout pas foutre dans la bataille ou alors on risque de la voir s’envoler de la tête sans les pieds. Alors oui, injonction, tout le monde doit lire de la poésie.
Et lire de la poésie c’est pas juste traîner son steak dans des destinations paradisiaques en super promo parce que l’air de Ryan vaut pas un clou. Ouais l’aventure, la découverte, les magnifiques forêts et les déserts gluants, vachement poétique, y’a d’ailleurs une tonne de filtres instagram pour donner du peps à la poésie de la vie du voyage, et une tonne de lieux touristiques fait pour les touristes poètes. La poésie est dans une fleur ? Vous reprendrez bien un peu de courgette au paprika ?
Est-ce qu’un poème vaut une paire de baskets derniers cris ? OUI. la poésie vaut huit billiards de dollars, on détrousse tout Bill Gates pour un alexandrin juteux, la poésie c’est le tonneau des danaïdes de l’auto-tune, la mousson du pognon, la poésie vaut dix huit cotation en bourse de Google et Amazon fait la manche. La poésie fait une OPA sur Google, rachète ces enfoirés et dans chaque recherche si tu ne fais pas une longue traîne correct en vers libres ou n’importe t’obtiens rien qu’opprobre publique et dégoût universel. Un néo-capitalisme despo-poétique, tout en capital sinon ta tête elle valse direction l’espace dans une fusée d’Elon Musk qui s’applique à faire de la versification latine le dimanche après-midi plutôt que de croire qu’il va sauver ses fesses rouges de connard sur la planète rouge.